L’œuvre de Kura Shomali ressemble à une messe. Ni blanche, ni noire. Elle est un ensemble de codes et d’images anecdotiques, puisés de part et d’autre et portant sur des problématiques inhérentes à la société congolaise. Cette dernière est expressément métaphorisée par l’artiste à travers des formes suggérées, non sans intrigue, qu’abritent des défroques et des tenues vestimentaires quelquefois bigarrées et extravagantes.
L’intrigante présence d’êtres ou d’objets – un prêtre catholique tenant une lampe-tempête, la tenue des membres de l’Académie française ou celle d’officiers militaires, un récurrent perroquet appelé Alhadji comme pour dire « conseiller », des animaux exotiques ou endémiques (les pandas qu’on trouve en Chine et au Népal par exemple), un accordéon, ou encore des outils d’usage quotidien empruntés à d’autres cultures n’ayant parfois aucun rapport avec l’environnement immédiat de l’artiste – oriente les esprits vers la culture générale et la dimension intellectuelle qui transpirent de son œuvre.
Partant de cette ville bouillonnante, il surfe entre la culture populaire et des sujets élitistes.
Il en résulte une conjugaison artistique polyphonique. Un univers peuplé de sens et de contresens, dont Kura Shomali ne semble plus contrôler le discours, comme s’il se perdait dans une forêt de thématiques qu’il a lui-même plantée. Dire que l’artiste s’inspire de Kinshasa serait un rappel inutile, car ça saute aux yeux ! Partant de cette ville bouillonnante, il surfe entre la culture populaire et des sujets élitistes, dans un style pictural quelque peu burlesque et au ton humoristique décalé. Il utilise aussi les travaux de divers photographes du continent, des affiches et ou des magazines, pour les livrer à un autre contexte et les confronter à des juxtapositions inattendues.
Son travail est axé sur la mise en exergue de la magnificence de la diversité culturelle avec, ici, comme creuset et champ d’expérimentation la société congolaise. Avec l’art, il franchit les frontières en utilisant des langages et des codes sociaux d’ailleurs, pour illustrer les réalités propres de son pays en proie aux questionnements existentiels. Les caractéristiques plastiques et visuelles de ses œuvres masquent néanmoins l’aspect macabre de cette société, tout comme les attitudes et postures des sapeurs (SAPE : Société des ambianceurs et des personnes élégantes) ou des sujets habillés et prêts pour la fête. Une fête factice et une joie de vivre de façade derrière lesquelles se cache toute une géographie des doléances que l’artiste choisit de ne pas exposer explicitement aux yeux du monde.
Un article de Jean Kamba
Featured image : Kura Shomali, Marche de santé, 2018. Technique mixte sur papier, 59 x 79 cm. Courtesy of Kura Shomali and Angalia.
Cet article a été rédigé pour The Art Momentum | AKAA Paris Artpaper. [English version inside]
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