Kusheda Mensah est de cette génération de designers pour qui l’engagement social, l’environnement et le bien-être, tout comme l’identité, la culture ou le partage, revêtent une importance toute particulière. Au-delà de l’objet, la jeune designer, qui a fait sensation ce printemps lors de la dernière édition du Salone del Mobile de Milan, prône un design responsable, conscient et vecteur de cohésion.
Nadine Hounkpatin : Lorsque vous avez conçu votre collection de meubles « Mutual », quels ont été votre processus créatif et votre but ultime ?
Kusheda Mensah : Je réfléchissais alors à ce qui caractérise ma génération, à ce qui la fait vibrer. Je me suis dit que la Tech nous pousse vers l’avant mais qu’en même temps, elle nous bride, ce qui nous rend anxieux, déprimés, avides. Dans cette histoire, il me semble que les réseaux sociaux jouent un rôle de catalyseurs. J’ai donc cherché ce que je pouvais faire, par le biais de ma création, pour changer le cours des choses, pour abattre cette façade élevée par les réseaux sociaux.
Chaque génération aura son point de vue sur ce qui compte le plus dans le design : façonner, transformer, et construire ou déconstruire des histoires.
N. H. : Avec ce projet, espérez-vous changer le monde ?
K. M. : Je ne crois pas que mes meubles vont changer le monde du jour au lendemain. Tout ce que je peux faire, c’est apporter ma petite pierre. Je pense que plus nous communiquerons nos idées et nos sentiments à cœur ouvert et face à face, au lieu de passer par un écran d’ordinateur, plus les choses avanceront, même dans une modeste mesure. Alors, on ne pourra plus se cacher et tout le monde acceptera l’autre comme il est, bon ou mauvais. Je pense aussi qu’avec une conception plus ouverte de l’ameublement, si on incite les gens à se fréquenter de visu, cela changera la façon dont on perçoit les meubles dans l’espace social.
N. H. : Par l’intermédiaire de leurs œuvres, des visionnaires du design tels que Kossi Aguessy (1977- 2017), ont transmis de nouvelles narrations. En quoi l’histoire du design influencera-t-elle de nouveaux avenirs, au niveau mondial ?
K. M. : Nous tirons un enseignement du passé – c’est seulement en adaptant ce qu’il nous transmet que l’on peut créer quelque chose de « nouveau ». Chaque génération aura son point de vue sur ce qui compte le plus dans le design : façonner, transformer, et construire ou déconstruire des histoires. J’essaie juste d’apporter ma petite contribution à la société. C’est au monde de décider si elle a autant d’impact que je le voudrais. Et les générations après moi diront si cette contribution a pesé ou non dans la balance. Je crée mon art avec humilité, en tant que femme noire, en espérant laisser ma marque et faire bouger les lignes.
Un article de Nadine Hounkpatin
Cet article a été rédigé pour The Art Momentum | AKAA Paris Artpaper. [English version inside]
Les articles sont publiés dans leur langue d’origine | Articles are published in their original language