Le vêtement de Samia Ziadi bouleverse les non-dits. Il parle de religion(s), de jeunesse, de république. Il interpelle à chacune de ses tranformations. Depuis Marseille, l’artiste mûrit ses interrogations à coups de grands mots, de matières surprenantes et de couleurs primaires sur des vêtements sacrés revisités.
Entre deux happenings, Samia Ziadi peaufine ses croquis et collages dans son petit atelier prêté par une école de cinéma. Enfant, elle est bouleversée par le Christ du retable d’Issenheim qu’elle redessine en pleurant. Ce même Christ qu’elle apposera sur sa robe « Vierge » en néoprène – matériau inattendu et moderne, phare dans son œuvre. Ou encore, hypnotisée par le tapis de prière d’un cousin, la jeune Samia en fait un vêtement et débarque en plein repas de famille. Telle une prophétie, cet évènement est annonciateur de sa griffe. Cette fascination pour les religions va de pair avec une ouverture d’esprit familiale. Son père, musulman pratiquant, l’amenait en cachette dans les églises : « petite, j’adorais le vêtement du prêtre et les vitraux. »

« Il ne faut pas avoir peur de parler des choses. J’ai entendu le mot « migrant » à toutes les sauces. Alors j’ai réalisé une robe comme un porte-drapeau sur le symbole des Jeux olympiques. » Le terme est inscrit sur la longueur de la manche, aux côtés d’une « liberté » écrite en arabe, tel un étendard qui crie son universalité. Dans cette lignée du vêtement de sport, elle fait porter un habit de prière pour homme à une femme et le nomme « Jogging » du vendredi. Le voile de sa mère, lui, devient transparent et se plastifie.
« À la base c’est un vêtement, il faut en rigoler. »
L’actualité résonne parfois très fort pour Samia. Ainsi, les dernières élections présidentielles lui inspirent « République », un projet d’envergure. Sa République du futur se trouve sur le toit d’une HLM de la cité La Viste à Marseille, portant une robe dont la manche gigantesque tend la main à sa jeunesse, « qu’elle puisse monter vers cette République plus grande qu’elle.» Cette manche bleu blanc rouge est composée de morceaux de t-shirts donnés généreusement et noués les uns aux autres. À la fois rassurante et alarmante, son incarnation porte une couverture de survie glissée sous une robe dorée, où le mot phare est brodé en sequins. Rayonnante. S’y ajoute un poème de Samia, pour briser le silence, mettre de la lumière et oublier ces « convenances qui nous pressent. » Fièrement, la République de l’artiste franco-algérienne part de la cité phocéenne, là où on ne l’attend pas. Et elle voyagera, vous prendra par la main pour secouer les réalités du quotidien.
Un article de Anaïs Gningue
Featured image : Samia Ziadi, PLAN D’AOU II, 2016. Courtesy of Samia Ziadi and Galerie Number 8.
Cet article a été rédigé pour The Art Momentum | AKAA Paris Artpaper. [English version inside]
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