Que les contestations soient silencieuses ou tapageuses, sans cesse réprimées ou trop peu exaltées, Tariku Shiferaw en souligne les mots qui les ont ponctuées. D’un trait suspendu, il marque un intervalle sur sa toile et dans le temps pour laisser les paroles s’écouter.
Artiste éthiopien ayant grandi aux États-Unis, Tariku Shiferaw propose au public de AKAA une série d’œuvres nommée “One of These Black Boys”, dans laquelle chaque pièce, au titre évocateur, contribue à la narration d’une histoire. Cette histoire est écrite par des titres musicaux – blues, jazz, reggae, hip-hop ou R’n’B – qui ont cristallisé les espoirs de nombreuses générations d’Américains afrodescendants, en posant des mots sur leurs douleurs et les luttes à mener au quotidien contre les injustices de leur société. Par les revendications qu’ils ont soulevées, ces titres ont porté l’étendard des combats à travers les âges.
“Je suis convaincu que la musique a été l’un des outils les plus puissants qui ont permis aux luttes des corps noirs d’être entendues aux États-Unis.”
Telle une partition à plusieurs mouvements, cette série agit comme un assemblage d’éléments qui rythment l’ensemble. En mêlant matières plastiques, vinyles, film irisé, mylar, toiles, pièces de bois, peintures en aérosol et acrylique, l’artiste associe la dureté des mots aux matériaux, pour rendre hommage à la force d’expression de ces titres musicaux. « Il y a beaucoup de strates dans mes œuvres, et la musique (à travers ces titres) en est une ; un point d’entrée singulier. »
Les œuvres de Tariku Shiferaw sont étroitement liées à une poésie du transport, tant par les matériaux utilisés, qui évoquent le fret, que par les formes géométriques inspirées des cargaisons. Dans les rues de New York, l’artiste a observé les empilements de palettes d’expédition dont il a reproduit la composition en strates horizontales et verticales. Motif récurrent de son travail, les hachures sont l’expression de la structure sociétale comme forme immuable, qui contraint les corps noirs dans une perpétuelle catégorisation.
Ces marquages implacables font barrage au regard tout en suggérant une ouverture vers d’autres dimensions. L’œuvre If I Ruled The World (Nas) fait référence au titre musical de Nas et Lauryn Hill sorti en 1995 qui, selon Tariku Shiferaw, représentait à son époque une forme manifeste d’espoir dans la société.
“C’est une chanson très poétique, profonde, […] qui a permis d’imaginer une réalité alternative, c’est assez semblable à ce que fait l’afrofuturisme en arts visuels.”
La musique vient troubler les structures, disloquer les obstacles rigoureux et, en contraste, on voit se profiler un second plan vibrant, de blancs ou de bleus. « Cette couleur évoque la liberté, comme regarder un ciel bleu. Pourtant, elle représente également la couleur d’une peau sombre meurtrie. J’aime la dichotomie entre ces deux bleus. »
Là où le bleu pourrait évoquer la mélancolie d’un blues, il résonne ici comme une mélodie paisible qui nous transporte, nous emballe pour d’autres horizons. Une fugue faite de promesses en l’air, ou de lendemains plus radieux.
Un article de Marynet J.
BONUS : Playlist par Tariku Shiferaw
► King Kunta – Kendrick Lamar
► Loyalty – Kendrick Lamar
► Love – Kendrick Lamar
► The Heart Part 4 – Kendrick Lamar
► Black Friday – Kendrick Lamar and J. Cole
► Nobody’s Perfect – J. Cole
► G.O.M.D – J. Cole
► Meditate – Earthgang
► Red Light – Earthgang
► New Black – Goldlink
► Crew – Goldlink
► 745 – Vince Staples
► Big Fish – Vince Staples
► War Ready – Vince Staples
► War – Bob Marley
► Stir It up – Bob Marley
► Rose In Harlem – Teyana Tayler
► Never – J.I.D
► Let It Go – Keyshia Cole
► Tunnel Vision – Kodak Black
► Hollyhood – Kodak Black
► This Is America – Childish Gambino
► Sober – Childish Gambino
► OSOM – Jay Rock
► Redemption – Jay Rock
► Win – Jay Rock
► Put That On My Set – A$AP Mob
► – Travis Scott
► Be Careful – Cardi B
► Rewind – Kelela
► LMK – Kelela
► Gray Luh – Berhana
► Janet – Berhana
Cet article a été rédigé pour The Art Momentum | AKAA Paris Artpaper. [English version inside]
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